Une critique qui peut faire mal

Pour l'instant, je n'ai reçu que des avis "privés" sur mes écrits publiés, de mon entourage, des gens qui me suivent sur les réseaux sociaux et des utilisateurs de Scribay. Il n'y a donc rien sur la toile que je peux partager, ou en tout cas que d'autres peuvent lire.

Pourtant... pourtant, je viens de recevoir un retour sur mon roman "La reine teylane" plutôt négatif, mais constructif. Et comme j'aime être transparent, tant avec les autres qu'avec moi-même, j'ai décidé de vous le partager ici, ainsi que ma réponse (attention, ça fait de la lecture).
Semblant de rien, même si je peux justifier tout ce qu'il me reproche, ça me permet de me remettre en question sur ma façon d'écrire, et ça c'est plutôt bien ^^

Lui :

Salut Grégory, 

Comme je t'en avais parlé sur un fil, j'ai récupéré ton livre "la reine Teylane" gratuitement sur Amazon et je l'ai lu sur mon téléphone Android avec l'application Kindle, sans l'avoir lu au préalable sur Scribay. 

D'un point de vue purement applicatif, je dois dire que la lecture est plutôt agréable sur cette version Smartphone de Kindle, en fait peut-être même plus agréable que sur mon PC avec Scribay, parce que la mise en page donne un côté "livre" que l'on n'a pas vraiment en faisant défiler le texte vers le bas sur Scribay. C'était d'ailleurs le premier livre que je lisais sur Kindle tout court, même si j'ai déjà lu d'autres ouvrages sur mon téléphone. Il n'en reste pas moins que je préfère de loin le papier... 

Bref, donc rien à signaler de ce côté-là, c'est plutôt réussi. J'ai quand même vu 2 - 3 fautes d'orthographe résiduelles, sans les chercher. 

Sinon concernant l'histoire elle-même et la manière dont tu la racontes, je suis un peu embêté. En fait je me demande d'abord à quel lectorat tu destines ton livre, notamment en terme d'âge. J'ai le sentiment que l'histoire est plutôt destinée à un public ado-jeune adulte. 

J'ai lu l'histoire jusqu'au bout, ce qui prouve que j'avais quand même envie de savoir ce qui allait arriver, mais honnêtement, je ne suis pas parvenu à ressentir d'empathie réelle pour ce qui arrive aux personnages. Tu n'a probablement pas spécialement envie d'avoir mon avis, mais je te le donne quand même, par honnêteté intellectuelle, sans attendre quoi que ce soit en retour t'inquiète. 

C'est peut-être une question de point de vue narratif et de détachement de la narration qui empêche de vraiment rentrer dans un ressenti sur la durée. Parfois on a l'impression que tu es à la limite du second degré, voire que tu te fiches un peu d'eux. C'est une impression. Peut-être aussi que l'aventure de Shivaan semble trop "facile", genre il a un plan, il le suit, s'en fout un peu de ce qu'on lui dit et ça avance comme ça jusqu'à la fin. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de rebondissements, mais on ne sent pas suffisamment ou pas vraiment le côté initiatique qui va permettre au personnage principal de se révéler en héro. J'ai tantôt ressenti que je lisais l'histoire comme je suivais un jeu vidéo dont la trame était assez linéaire du style : Ah, un tournoi. Je le gagne, ok. Ah, un combat, ok, on se fritte. C'est fini, on passe au truc suivant, mais sans avoir le temps de m'attacher aux personnages (je joue pas mal à des tas de jeux vidéo donc c'est pour moi une référence noble le jeu vidéo). À d'autres moments ça me faisait penser à un cross entre Dragon Ball et les Goonies. Et je ne dis pas ça de façon méprisante, j'aime beaucoup les Goonies et j'aimais bien Dragon Ball quand j'étais jeune. C'est à cause du côté rocambolesque, mais facile qui se termine bien de façon assez prévisible. Alors oui, il y a des événements qui sont tragiques, abandon d'enfant, mort d'un parent, puis d'un pote, mais sans empathie, ça ne m'a pas vraiment touché ou, pour le dire autrement il y avait un tel décalage entre ce qu'était censé être la douleur du personnage et ce que je pouvais en ressentir que je n'étais pas ému. Paradoxalement, plus il y avait de contraste émotionnel chez les personnages, moins j'étais ému. C'est finalement dans les passages plus soft que j'ai pu me raccrocher un peu. 

L'autre aspect qui a probablement limité mon empathie, c'est la difficulté de croire au monde lui-même. Peut-être que c'est une question de détails, mais on a du mal à comprendre à quelle époque on se trouve, ou plutôt à quoi ressemble la vie des hommes en l'an 3000++. Tu mêles des éléments d'aujourd'hui avec des choses inventées, ce qui brouille les pistes. On ne perçoit pas le degré de civilisation ambiant, on n'a que le point de vue des déviants dans leur académie, mais le reste du monde où est-il, comment vit-il ? Il y a eu un effondrement, une guerre, le progrès numérique a continué ? Bref, c'est flou et du coup le seul truc qui reste, c'est l'académie. Mais là encore, on a du mal à comprendre le quotidien : est-il ultra-technologique ou moyenâgeux ? On parle de téléportation, de cristaux de communication par la pensée, mais tout ça a l'air magique et on n'arrive pas à le relier à la réalité du monde. Enfin, c'est ma perception, c'est le côté Dragon Ball. D'où ma question du lectorat ciblé pour que ça "marche". 

Les Teylans ont l'air un peu stupides aussi : ils apparaissent pour buter des mecs et détruire des trucs... Il pourrait y avoir des théories sur leur but pour donner un peu de profondeur, surtout lorsque tu évoques des scientifiques Teylans : des scientifiques hommes se comporteraient-ils de la même manière ? Pourquoi n'essaient-ils pas de communiquer comme le fait la reine ? Ils auraient sûrement essayé en tant que scientifiques, genre en capturant des humains. Je ne m'en souviens peut-être pas, mais ça m'a laissé une impression d'inutilité alors qu'il devrait y avoir une raison forte à leur comportement, des hypothèses, mêmes fausses côté humain pour tenter de justifier leurs agissements : ils sont sur le point de mourir et ils ont besoin d'énergie, ils ont besoin d'espace car leur planète/monde va mourir, etc. Enfin quelque chose qui donne à penser qu'ils ne sont pas simplement bornés pour tuer tout ce qui bouge... Une autopsie de Teylan peut peut-être révéler des choses ? À moins que tout notre esprit scientifique a foutu le camp en l'an 3000... Et on retombe sur le souci de cerner le monde. 

Finalement, je me demande quelle était ou quelle est ton intention, quel regard tu portes sur ton texte et tes personnages ? Tu vises un truc sérieux ou bien tu veux raconter une histoire sympathique avec plein de péripéties sans te prendre trop la tête pourvu qu'on passe un bon moment ? Les deux voies sont tout aussi possibles, mais là, comme j'ai eu du mal à cerner l'intention, je n'ai pas réussi à me positionner. 

-Si tu vises un truc sérieux, ça manque d'épaisseur psychologique. Je me demande ce que donnerait l'histoire racontée par les yeux des personnages uniquement. Genre un chapitre, un personnage : cela forcerait à rentrer dans la psychologie, à mieux comprendre les rapports de forces, les doutes, les ressentis, plutôt qu'un narrateur omniscient détaché. Je ne me rappelle plus quelle est la narration de la stratégie Ender, il faudra que j'aille voir. En tout cas ton histoire me fait un peu penser à ça, avec un enfant qui va devenir l'agent pour lutter contre une race extraterrestre un peu insectoide, et qui va se révéler au travers d'une académie. Mais le traitement est très sérieux, en tout cas, dans mon souvenir. C'est peut-être omniscient aussi. Comme quoi il n'y a pas que ça. 
-Si tu vises un truc plus léger, on est plus près de la vérité, mais pour moi il y a encore trop de pathos à certains endroits (sentiments trop marqués, adjectifs ou expressions répétées "large sourire", par exemple, adverbes du genre "tant" ou "tellement" ou "si" : si beau, si doux, tellement fort, tant aimé...) qui frôle la caricature. 

Bon, je suis désolé de te balancer tout ça comme ça, mais mon intention n'est nullement de rabaisser quoi que ce soit ou de critiquer juste pour critiquer. Je voulais juste expliquer pourquoi je n'avais pas vibrer en lisant ton histoire, même si je l'ai lue jusqu'au bout. Que cela ne te décourage pas, mais te donne à réfléchir sur une prochaine histoire, notamment en répondant aux questions comme : "Qu'est-ce que raconte vraiment mon histoire ? Un voyage initiatique, une romance, la lutte du bien et du mal, une critique de la société, etc. Et ensuite "Qu'est-ce que j'ai envie que mon lecteur ou ma lectrice ressente ? Est-ce que je veux qu'il ou elle soit pris aux tripes, s'attache à un personnage, provoquer du dégoût de l'antipathie, etc ? 

Si tu souhaitais que ton histoire raconte un voyage initiatique et que les lecteurs le vivent comme s'ils y étaient hé bien il faudrait en chier, il faudrait être humilié, faire des erreurs, rendre certains personnages cruels, etc. et le raconter comme si on y était... Mais ce n'était peut-être pas ton intention. Retour à cette question que je n'ai pu cerner. 

Bon courage pour la suite en tout cas, ici ou ailleurs. 

Moi : 

Salut, 
Wouah, ça c'est de la grosse critique ! Merci beaucoup d'avoir pris la peine d'écrire tout ça.
D'abord, ne t'en fais pas, je suis prêt à tout recevoir comme commentaire, surtout s'il résulte d'un ressenti. 
Je vais d'abord éclaircir mon intention en tant qu'auteur. Tu as parlé de Dragon Ball, et je crois qu'on en est pas loin. Malgré que je sois fan de SF (genre idéal pour la subversion), je voulais écrire une histoire légère, à contre-courant direct avec ce qui se fait depuis quelques temps.
Je ne voulais pas d'un héros à la Harry Potter, qui soit faible et esclave de tout ce qui lui arrive, donc pas de quête initiatique. Je voulais un héros à la Ken le survivant, badass dès le départ et qui ne se focalise que sur son objectif.
De plus, je ne voulais pas qu'il y ait de doute dans la tête du lecteur sur le fait qu'il allait bien affronter la reine à la fin. Toute l'intrigue, si je peux l'appeler comme ça, c'est de savoir s'il allait tenir assez longtemps pour y arriver (l'énergie teylane le corrompant petit à petit)
Enfin bref, je voulais quelque chose de léger, qui ne revendique rien à part proposer quelque chose de sympa. Pour le public visé, je ne pense pas que ce soit orienté YA, en tout cas c'est pas voulu. 
Pour les autres points que tu abordes, c'est un peu plus compliqué à expliquer.
D'abord, le monde. Il faut bien comprendre que ça se passe sur une autre planète (cf 4e de couv), donc l'année affichée ne correspond pas à notre calendrier à nous. En fait, pour tout dire, ça se passe dans le passé par rapport à ici. La civilisation là-bas est proche de la notre, mais avec des technologies différentes. J'ai volontairement réduit la description du monde pour que chacun puisse l'imaginer à sa guise. Je ne veux pas imposer ma version, mais propose au contraire au lecteur de se l'accaparer et d'y mettre ce qu'il veut comme bâtiments, véhicules ou objets/vêtements. Là où les autres bouquins demandent de visualiser (mettre des images sur des mots), je propose au lecteur de réellement imaginer le monde. Moi je ne suis que le chef d'orchestre de l'histoire.
Pour ce qui est des teylans et de leurs intentions, je rappelle que c'est le 1er volume d'une saga. Je ne vais pas tout dévoiler dès le premier tome. Dans celui-ci, je me suis contenté de raconter la vision que les déviants ont de ces créatures et il est normal qu'ils n'aient pas toutes les clés, tout comme le lecteur. Les réponses viendront dans les tomes suivants, sur l'origine des teylans et pourquoi ils agissent ainsi. 
Voilà, je pense avoir tout dit. Merci encore d'avoir lu le livre et pour avoir pris la peine d'écrire une si longue critique. J'avoue avoir encore des progrès à faire en tant qu'écrivain, et il y a sans doute certains passages assez maladroits (le pathos dont tu parles). Il n'est pas exclu que, quand j'aurais écrits 2 ou 3 autres trucs, je refasse une passe sur ce roman pour en améliorer certains passages. Ou pas, en fait. Cette histoire est attachée à un moment de ma vie et il ne faut peut-être pas y toucher. J'en sais trop rien ^^

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Ces auteurs autoédités aigris

L'écrivain, un ambassadeur de la langue ?

[Nouvelle] Ivy